Maslenitsa (Ма́сленица) est une fête russe d'origine païenne : elle a lieu avant l'entrée dans le Grand Carême Orthodoxe russe qui dure sept semaines. On prépare le Carême, et c'est le moment où on arrête de manger de la viande. Les produits laitiers sont autorisés tous les jours même le Mercredi et le Jeudi, jours de jeûne traditionnels, où ils sont normalement interdits. Ils deviennent ensuite interdits pendant le Carême.
Maslenitsa est la dernière fête avant le Carême orthodoxe
Le Carême Orthodoxe, ou Byzantin, est extrêmement dur : un seul repas par jour, aucun produit d'origine animale, ni huile ni vin. Le Samedi et le Dimanche, qui sont des jours de fête, on se relâche un peu avec deux repas dans lesquels on peut consommer de l'huile et du vin.
On comprend donc mieux l'importance de Maslenitsa, dans des pays où le froid demande une alimentation riche et où l'absence totale de produit d'origine animale est vraiment difficile. En fait, en l'absence de matières grasses, on devait se contenter de soupes ou de ragoûts de légumes cuits à la marmite et de fruits.
Les rituels de Maslenitsa
C'est le dernier moment de partage et de convivialité avant Pâques !
On prépare la semaine en faisant un grand rangement dans la maison, on jette ou on donne tout ce qui est vieux, abîmé, plus utile. Un repas traditionnel de Maslenitsa inclut donc obligatoirement des blinis, de la crème aigre ainsi qu'un certain nombre de mets traditionnels : des champignons, des harengs, du saumon, de l'anguille, une salade de pommes de terre et betterave, une vatrouchka et du vin et de la vodka. On pouvait encore savourer un koulibiac, s'il était fait à partir de saumon, sans
viande.
Pourquoi les blinis ?
Les blinis sont particulièrement importants car ils symbolisent le soleil. Plus on fait de blinis, plus on se prépare une année ensoleillée et propice.
Maslenitsa se termine un Dimanche, le Dimanche du Pardon, où chacun demande pardon à ses voisins. On range aussi ses vêtements colorés pour se revêtir des couleurs sombres, neutres et des habits sans aucune décoration. Jusqu'à Pâques !
Une tradition qui a survécu à la période soviétique
La période soviétique a bien entendu interdit Maslenitsa mais la fête continuait à se pratiquer en privé, même sans aucune intention religieuse : juste l'occasion de partager de bons repas à base de crêpes. Depuis la perestroïka, les nombreuses manifestations publiques on reprit. Et Maslenitsa est aujourd'hui célébrée par les communautés russes en exil, comme un marqueur de leur identité.
En effet, Maslenitsa est un peu l'équivalent de Carnaval : on y pratique de nombreuses activités festives, on se promène en troïka, on organise des bals masqués, à l'extérieur on fait des batailles de boules de neige et plus (on donne l'assaut à des "châteaux" de neige), combats de stenka, une lutte traditionnelle russe, etc.
C'est aussi l'entrée dans le printemps : on allume des feux de joie où on brûle un mannequin qui représente la mascotte de Maslenitsa, "Dame Maslenitsa", qu'on appelle aussi Kostroma.
Kostroma et le Semik : des rites païens repris par l'Eglise Orthodoxe
Or Kostroma est une déesse de la mythologie slave, une déesse de la fertilité de la terre. Au mois de Juin, on lui consacrait une semaine entière, le Semik (Семи́к), qu'on appelait aussi la semaine verte (pour la couleur des champs) ou la semaine des Roussalkas, tout simplement parce que Kostroma était une Roussalka.
Le mythe de Kostrama est très similaire à d'autres liés aux déesses de la fécondité, avec une alternance de vie sur terre et sous terre. Comme Isis et Osiris, Kostrama était la sœur jumelle de Koupalo, le dieu soleil. Le frère et la soeur se marient sans savoir qui ils étaient (ce qui rappelle certaines versions de la légende arthurienne) puis se suicident, tous les deux, quand il l'apprennent. C'est à ce moment là que Kostrama se transforme en Roussalka, ce qui lui évite de mourir.
Finalement, les Dieux se disent qu'ils ont été un peu trop cruels, et ressucitent Koupalo et Kostrama. Incapable de leur redonner un corps humain, ils les transforment en une très jolie fleur jaune et bleue, le mélampyre des bois. On l'appelait "la fleur de Kostrama et Koupalo" avant que les Orthodoxes la renomment Ivan-da-Marya, Fleur de Jean et Marie… et transfèrent le Semik au début du Carême.
Le Semik avait pour principal but d'augmenter la fertilité des sols ; il était lié au culte des morts et comportait des rites concernant le printemps et les cultures. Durant le Semik, Kostroma était représentée par une jeune fille déguisée ou par un mannequin de paille, similaire à un épouvantail. Après avoir reçu les honneurs, le mannequin était "tué", par le feu, la noyade ou la mise en terre. La cérémonie se terminait avec le deuil de Kostroma.
J'ai découvert cette tradition cette année, et j'ai décidé de l'adopter : c'est encore une bonne raison de faire des blinis après le Nouvel An Russeet la Chandeleur !
Et pour finir, je ne peux pas m'empêcher de vous mettre côte à côte la photo de ce samovar gonflable, lors des célébrations de Maslenitsa, et celle de cette théière gonflable prise lors de la Fête des Roses au Maroc !