C'est sans doute la chaleur de l'été qui a affaibli, une fois de plus, la capacité de nombreux journalistes à vérifier leur sources et à faire un petit travail simple qui consiste à retourner à l'origine d'une information pour l'analyser, la vérifier et avoir un avis. (Là, on comprend que Google prétende pouvoir remplacer les journalistes par des robots, en fait la plupart des journalistes sont déjà des robots du copier-coller).
Le communiqué de la DGCCRF sur la consommation de betterave crue a donc été relayé à l'identique, dans de nombreux journaux et sites, avec les erreurs factuelles et les formulations approximatives qu'il contenait. Dans sa forme actuelle il pourrait faire croire que la consommation de betterave crue est dangereuse, alors que l'étude d'origine est beaucoup moins affirmative.
Reprenons en détail, pour que vous puissiez réellement apprécier les risques sanitaires liés à la consommation de betterave crue.
Des intoxications liées à la betterave crue en France et dans plusieurs pays ?
Euh non… en remontant à la source, l'ANSES ne mentionne que la France et la Finlande. Point barre. Et en fait, quasiment uniquement la France (un cas un seul en Finlande).
Pas en Allemagne, pas en Espagne. Pas aux États-Unis, ce pays malade d'hygiénisme où on a inventé un dispositif pour protéger les gâteaux d'anniversaire des bactéries dispersées par le soufflage des bougies.
Google confirme : on y trouve – en anglais seulement – de nombreux articles sur les "dangers" de la raw beet, autrement dit betterave crue, mais ils concernent d'autres aspects (notamment la haute teneur en oxalates) et ne parlent absolument pas de ce risque d'intoxication alimentaire.
Je finis par en conclure qu'il s'agirait d'une maladie bien française. Comme la "crise de foie".
Sans explication scientifique connue, ou "cause non identifiée" ?
Aucune explication scientifique ne permet de connaître la cause exacte des TIAC liées à la consommation de betteraves crues dit la DGCCRF, s'appuyant ensuite sur une "sagesse traditionnelle" qui aurait toujours cuit la betterave.
La formulation est très ambigüe. Elle évoque, en tout cas pour moi, un mystérieux agent pathogène, une sorte de virus Ebola de la betterave, une menace inconnue de tous, impossible à identifier malgré tous les efforts scientifiques mis en œuvre.
Là encore, l'avis original de l'ANSES est beaucoup moins tranché. Il explique en effet que, dans les différents cas identifiés, les analyses n'ont pas été identiques, les mêmes causes n'ont pas été recherchées.
Aucun facteur commun ne se dégage (c'est le "aucune explication scientifique"), mais il faudrait pousser les analyses de façon plus systématique, lors de nouveaux cas, pour avoir des résultats complets permettant de se prononcer.
Restauration collective ou restauration individuelle
Il y a de nombreuses préparations interdites en restauration collective, que l'on consomme allègrement chez soi ou au restaurant. Entre autres, le steak tartare, les sushis ou les ceviches de poisson.
Pourquoi ? Parce que la restauration collective concerne, le plus souvent, des personnes aux systèmes immunitaires plus faibles (enfants, seniors, malades), des personnes qui n'ont pas le choix de prendre un risque léger ou pas, et que les échelles ne sont pas les mêmes : dans un restaurant, il est improbable que tous les clients commandent un tartare, alors que dans une cantine scolaire c'est souvent menu unique.
Enfin, les conséquences sont aussi différentes : pour une maison de retraite, gérer une centaine de pensionnaires atteints d'une intoxication alimentaire légère et sans risque peut quand même tourner au cauchemar organisationnel.
Saviez-vous, par exemple, que les coquilles d'oeufs sont interdites dans les cuisines de restauration collectives, qui doivent acheter des oeufs déjà cuits et conditionnés, ou des oeufs crus stockés dans des conditionnements spécifiques ou mis en poudre ? Pourtant, tous les jours, chez vous, vous faites des oeufs !
Le niveau réel d'intoxication liée à la betterave crue
Des intoxications de courte durée, sans gravité
Dans les "nombreux cas" relevés par la DGCCRF, aucun n'a nécessité d'hospitalisation, tous se sont résolus en quelques heures au plus, alors qu'il s'agit à chaque fois de restauration collective, en particulier de scolaires, donc de personnes "fragiles".
Autrement dit quelque chose de moins grave que la tourista que des millions de touristes subissent comme un mal nécessaire et passager.
Comment je la prépare
(Et là, on s'aperçoit que les recettes, la façon dont la betterave est servie ne semblent pas du tout analysées).
Lorsque je fais de la betterave crue, je la laisse mariner dans une huile d'olive assaisonnée, pendant quelques heures. Cette marinade va en quelque sorte "cuire" la betterave, qui va perdre un peu de son odeur très particulière, un peu terreuse (on aime ou pas, moi j'adore) et un peu de son craquant.
A la dernière minute, je rajoute les autres ingrédients, souvent des noix concassées, c'est un mariage qui fonctionne parfaitement bien.
Selon son goût, on peut faire mariner la betterave plus ou moins longtemps.



