Du safran… pour que ces quelques filaments donnent un goût incomparable à votre plat, il aura fallu plus d'une année de travail à TaIiouine, au cœur des montagnes du Sirwa, au sud du Maroc. Le safran marocain est renommé pour sa qualité.
Mais qu'est-ce qui fait la qualité d'un safran ? La plante elle-même ? Le sol dans lequel le bulbe de safran plante ses racines ? La façon dont il est cultivé et les aléas climatiques ? La cueillette ? L'émondage, qui consiste à séparer les pistils du reste des fleurs de safran fraîchement cueillies ? Le séchage ? Le tri et le conditionnement ?
Un peu tout cela, bien sûr, mais pour distinguer les différentes qualités de safran produites à Taliouine, il faut surtout s'attacher à la récolte et à l'émondage, au séchage et au tri.
La plante : tous les safrans du monde sont identiques !
Le safran est un cultivar, qui ne se reproduit que par la division des bulbes. Même s'il y a de faibles mutations génétiques, cela veut dire que tous les bulbes de safran sont identiques. Il n'y a pas de sous-espèces, comme pour d'autres plantes. Le safran iranien, le safran du Maroc ou celui qui était cultivé en Angleterre, à Saffron Walden, sont les mêmes.

La seule différence entre un bulbe est un autre pourrait être son âge : au bout d'un certain temps le bulbe s'épuise, et il doit être remplacé.
Le sol de culture du safran et les conditions climatiques
Le sol et les conditions climatiques sont importants, bien sûr. Alors qu'on associe le safran à des pays "chauds" (Maroc, Inde…) c'est en réalité une plante de montagne qui a pu être cultivée avec succès en Europe, y compris dans les montagnes suisses.
Le safran, pour fleurir, doit avoir froid, un peu soif, pas trop chaud, il n'aime pas avoir les racines dans l'eau et les terres trop lourdes – comme tous les bulbes. Mais ces conditions climatiques, la préparation du champ, l'irrigation, vont avoir plus d'impact sur la quantité de safran à récolter que sur sa qualité.
Arrive donc le moment de la cueillette du safran
Comme vous pouvez le voir, c'est un travail exténuant. Il faut parcourir des champs entier de safran, cassé(e) en deux pour ne pas perdre de temps en se relevant et se baissant à nouveau.

Ne pas perdre de temps car la récolte du safran est une course contre le soleil. A l'automne, les jours ont déjà raccourcis, le soleil se lève assez tard sur ces montagnes marocaines, mais la récolte doit être achevée avant 10 heures, quand les rayons du soleil vont faire s'ouvrir les fleurs et abîmer les précieux pistils qui s'y dissimulent. En début et en fin de récolte, comme sur ce film, les champs ne sont pas très fournis, mais au plus gros de la cueillette, c'est véritablement une course qui mobilise toute la famille pour remplir à temps les petits paniers d'osier.
Immédiatement après vient l'émondage
L'émondage est une technique de taille qui consiste à enlever les branches ou les feuilles en trop sur une plante ou un arbre. Dans le cas du safran on va tout émonder sauf les trois pistils rouges au coeur de la fleur. Parce qu'ils sont bien dissimulés au milieu des pétales, le geste doit être précis et rapide, ne pas écraser les pistils ou la fleur pour garder la qualité des filaments.

Il faut couper "ni trop, ni trop peu". En coupant trop, on perd de la matière utile, les filaments sont plus difficiles à séparer des pétales. En coupant trop peu, on laisse une trop grande partie non colorée, blanche ou jaune, qui ne produit pas d'épice. Le safran est alors de moins bonne qualité.
Le séchage du safran
Il doit être lent, progressif, et les filaments doivent impérativement sécher à l'ombre, à l'abri du soleil. Il existe aujourd'hui des procédés de séchage à l'air chaud, qui permette d'accélérer le processus sans diminuer la qualité du safran, par contre cela donne un goût légèrement différent. En revanche, un safran séché au soleil perdra de sa saveur. L'ombre est l'amie du safran. Le safran doit être suffisamment sec pour bien se conserver, et pour que son prix soit réellement un prix "sec". Un safran bien sec se conserve des années sans perdre sa saveur.
Le tri avant emballage
Comme il est inévitable de couper des parties jaunes ou même blanches des pistils, le safran de qualité supérieure va subir un dernier tri avant le conditionnement, pour ôter au maximum ces filaments inutiles. Il est ensuite mis sous sachet cellophane hermétique, prêt à être expédié.
Une impossible mécanisation ?
A l'exception du séchage, les éléments qui jouent sur la qualité du safran sont des travaux manuels où la sûreté du geste est essentielle. C'est cela qui fait le prix du safran, car la fleur et les pistils qu'elle renferment sont trop délicats pour la mécanisation.
Lors de la récolte quotidienne, il faut choisir les fleurs prêtes à s'ouvrir, l'émondage ne peut pas être mécanisé sous peine de briser les filaments.
Un safran de qualité supérieure peut mettre deux fois plus de temps à préparer, entre l'émondage et le triage des filaments. C'est ce qui explique la différence de prix, comme la différence de prix avec les safrans européens.
Ne croyez pas que les safrans du Quercy, du Gâtinais, soient tellement meilleurs que les safrans du Maroc, d'Iran, du Cachemire.
Mais les heures de travail nécessaires à la production de quelques grammes d'épices coûtent simplement dix fois plus cher en France !
Un dernier mot : la forme du safran
Le safran est vendu en filaments ou en poudre. On recommande d'acheter du safran en filaments, mais uniquement parce que c'est plus facile de juger de sa qualité. La plupart des safrans coupés sont des safrans en poudre. La seule façon de tricher sur du safran en filaments, c'est de l'enrober d'huile pour qu'il pèse plus lourd…
Mais gustativement, il n'y a aucune différence entre le safran en poudre et le safran en filament. Vous pouvez même le réduire en poudre quand vous le préparez !