L'origine du safran reste très mystérieuse
Notre petite fleur bleue, Crocus Sativus L. est un cultivar, c'est-à-dire qu’il ne produit pas de graine, et se reproduit donc uniquement par division des bulbes. Le renouvellement est très lent, puisque le bulbe met environ deux ans à produire trois à quatre bulbilles suffisamment mature pour être divisées. Ce même bulbe est épuisé au bout de cinq à six ans. Il faut dix à douze ans pour arriver à obtenir un gramme de safran sec à partir d’un bulbe initial unique.
On peut donc facilement imaginer le nombre d’années nécessaires pour obtenir une safranière de bonne taille à partir de quelques bulbes, comme cela se pratiquait au Moyen-Âge. Et c'est pourquoi le safran était une marchandise tellement chère, objet de toutes les contrebandes.
Or tous les safrans du monde partagent le même patrimoine génétіquе, et sont sans doute issus d’un bulbe unique ! On ne saura jamais qui a inventé le safran. Les légendes en font un don des dieux, mais lesquels ? Il est connu à Sumer dès ‑5.000 avant Jésus-Christ et aussi dans des temps très anciens, en Inde, il est mentionné dans la pharmacopée chinoise dès ‑2.600.
Légendes grecques et indiennes
Près de Chandarah, on évoque un vieux sage qui quitta son village menacé par la famine pour trouver des vivres. Sur sa route, il fut capturé par des nomades. Mais il réussit à guérir leur chef, qui était très malade. Par reconnaissance, ils le libérèrent au lieu de le garder en esclavage. Et en plus, ils lui donnèrent leur bien le plus précieux, des bulbes et du safran, et lui apprirent à le cultiver et l’utiliser. Mais d’où ces nomades tenaient-ils leur safran ? Leur dieu, seul, le sait.
Il entre en Europe par la Grèce, en Crête. En 2.000 ans, il se répand peu à peu dans le bassin Méditerranéen.
C’est Krokos, l’ami d’Hermès, qui a donné son nom au Crocus. Il jouait avec lui à lancer le disque, et fut frappé mortellement au front. Le sang qui s’écoulait de sa blessure entra dans la terre, et la féconda.
A cette place même, plus tard, sortit la première fleur bleu violet dont les trois stigmates rouge symbolisent désormais pour les Grecs la résurrection et la puissance vitale. Le nom même de Krokos est associé à la racine grecque qui veut dire « filaments ». Il a donné son nom au curcuma, un autre crocus souvent utilisé comme faux safran.
Le safran à la conquête de la Méditerranée
Sans doute ce safran est il arrivé trop tard en Grèce pour qu’Alexandre le Grand en ait connaissance. On dit que le plus grand conquérant de l’Antiquité fut arrêté par cette humble fleur. Alors que son armée se trouvait sur les plateaux du Cachemire, il planta son camp dans une grande prairie verte… qui se trouvait être une safranière.
Entouré de fleurs écloses dans la nuit, au petit matin, il crut à un sortilège, un signe des Dieux, et tourna bride.
En 1.550 avant Jésus-Christ, le safran est arrivé en Égypte, où il est mentionné dans un papyrus médical. Et Cléopâtre utilisait le safran pour préserver la beauté de sa peau.
En Assyrie on rendait un culte spécial au safran où il symbolisait la pureté. Dans la nuit où commençait la floraison, une procession emmenait une jeune vierge cueillir la première fleur sortie de terre, sous la conduite des grands prêtre.
Les Romains y voyaient le symbole de la joie spirituelle née du renoncement et de l’ascèse. Ils le brûlaient comme de l’encens lors de leurs cérémonies religieuses. Les Phéniciens en faisaient grand commerce, et le transportèrent en Afrique du Nord, où ils avaient des comptoirs en Tunisie, en Algérie et sur la côte Marocaine.
De là il gagne l’intérieur du pays, et nos montagnes du Sirwa.
Le safran conquiert l'Europe
On suppose qu’il est іntrоԁuіt en Europe par les Arabes, à partir de l’Espagne. Il peut aussi avoir été ramené des premières croisades. Ou les deux…. Les Arabes lui donnent son nom, puisque safar ou asfar veut dire jaune.
Dans le nord de l'Europe, il a été apporté par les Vikings, aussi grands commerçants que guerriers. Aussi on trouve dans les pays nordiques de nombreuses recettes traditionnelles utilisant le safran, comme les gâteaux de la Sainte Lucie, ou les galettes au safran du Gottland.
Il devient très recherché à la fin du Moyen-Âge, car on lui prête des vertus contre la Peste Noire. De nombreuses "villes du safran" voient le jour.
Il y sera cultivé jusqu'au ԁіх-nеuѵіèmе siècle, avant de battre en retraite devant le coût élevé de la main d'oeuvre. Aujourd'hui, les quelques safranières qui renaissent sont obligées de vendre leur safran cinq à dix fois plus cher qu'un safran du Maroc, sans que la différence de qualité justifie cet écart de prix.