La première séance de TopChef 2022 m'a scotchée devant la télévision (et twitter) jusqu'à très tard. Comme d'habitude tout le monde râle sur la durée de l'émission, des séances de pub, etc. et cette année, en plus, sur l'absence de Michel Sarran.
Comme si on avait oublié les très longues émissions des années précédentes…
Bref, comme chaque année, la première émission n'est pas trop passionnante. L'observation attentive des candidats qui ont été mis en avant par des extraits vidéos ou par leur bio donne une petite idée de qui va être éliminé. Le niveau des plats est généralement en dessous de ce que les candidats produiront au fur et à mesure qu'ils avancent dans le concours, et on a des "types" dans le casting : le/la bonne élève, le/la voyageur‑e, le/la optimiste béant et positif, les Belges, le melon…

Le nouveau "produit de la saison" est l'aïl noir, après le yuzu, le citron caviar, les cromesquis sont totalement out, la "greenstronomie" fait son entrée dans l'enclos des néologismes pompeux destinés à disparaître. Mais la cuisine "écolo / bio / durable" sera le thème de la saison, après avoir été si présente dans les saisons précédentes.
J'y ai pris du plaisir. C'était agréable, appétissant et j'aime bien que ce soit long. J'ai un peu ri sur Twitter, on a tous trouvé qu'un candidat nous rappelait Justine, un autre Michel Sarran et on a commencé à bien rire.
Maintenant bitchons un peu…
La cuisine orientale, cette inconnue
Baba Ghanoush, pas "Ganoush"

En dehors du couscous et des mezés de base, cette émission a montré une certaine méconnaissance du vocabulaire de la cuisine orientale. Après Philippe Etchebestqui met tajine au féminin, c'est Stéphane Rottenberg qui s'est pris les pieds dans le plat avec la prononciation de Baba Ghanoush, en arabe بابا غنوج , qui se prononce Baba Ranouch, Baba Ranouj ou Baba Ranoug, selon l'endroit ou on se trouve, mais jamais – en tout cas chez les arabophones, Baba Gannouch, comme il l'a dit. Le غ du début du second mot se prononce toujours comme un R roulé à l'espagnol. Vous pouvez écouter quelques prononciations sur ce site.
Bon ce n'est que du vocabulaire, mais ça heurte mon oreille "arabisée" et très fan de cuisine libanaise.
Team Ottolenghi : brûler ses aubergines
J'ai été plus désarçonnée par les moqueries sur les aubergines brûlées, alors que c'est un délice – que je fais régulièrement. Voici des aubergines à différents stages de grillage / brûlage :
Il y a l'aubergine grillée et l'aubergine brûlée. L'aubergine "brûlée", bien entendu, ce n'est que la peau et, si elle est coupée en deux, la tranche, qui est brûlée. Le reste, l'intérieur, reste une chair fondante et savoureuse.
La partie brûlée est très mince, une très fine pellicule, qui va se briser en flocons et assaisonner la chair de l'aubergine. On n'avale pas toute la partie brûlée, bien sûr, mais en grattant la chair qu'on va manger, pour la séparer, on la relève de petits bouts de brûlé.
Donc, oui, le brûlé c'est cancérigène. C'est aussi, à petite dose, un délice qui relève les plats.
Glace à la langoustine, foies de poissons, non ce n'est pas dégoûtant
Je suis la seule à avoir un peu la nausée à entendre cet enchaînement de desserts chelous ? 😅 #TopChef pic.twitter.com/zhw95mxXGw
— Emilie Lopez ⭐️⭐️ (@emilielopez) February 16, 2022
Là, on est, amha, dans le niveau de réaction du gamin de dix ans qui ne veut pas sortir de ses frites, et pas dans l'état d'esprit de gens qui regardent un concours de cuisine et qui devraient avoir l'esprit ouvert à de nouvelles expérience.
La cuisine, ça passe par rendre des choses "pas ragoûtantes" (de ragoûter, donner de l'appétit, réveiller le goût de…) délicieuses.

C'est un processus de transformation, et je conseille à ceux qui ont été dégoutés par le condiment de foies de poisson ou le boudin… vous ne vous êtes jamais demandé comment ça se faisait, le boudin ? Ou la saucisse ? Ou le foie gras ? Vous avez déjà récupéré de la viande avant la mise en barquette, pour la dépecer vous-même ? Ou vous refuser purement et simplement d'imaginer ce qui va produire vos nuggets et vos cuisses de poulet ?

Bon, je reconnais, assister au sacrifice de l'Aïd au bled m'a peut être un peu endurcie. En fait non, même la première fois je n'ai eu aucun problème. Après j'ai dépecé toute seule dans ma cuisine un demi-sanglier qu'on m'avait donnée, et tripatouillé des poissons dans tous les sens, j'ai touché du gluant, du froid, du coloré… mais c'est avec ça qu'on fait la cuisine, son travail du silure était bien loin des têtes de mouton grillées.
Pour info, les foies de poisson c'est délicieux, comme les joues de lotte, ça s'utilise pour donner du kick (autre mot Top Chef) à un fumet, une sauce… et sur un poisson frais, ça n'est pas pire qu'un tartare. Et les ovaires de poisson, c'est la base du tarama ! (Oups, désolée de cette révélation dégoutante…)

Quant aux escargots, c'est un classique de la gastronomie française. Et quand j'étais petite, j'aimais bien jouer avec les escargots et les laisser se promener sur mes bras. Bon Dieu, les gens, sortez un peu dans la nature…
Être HPI, ce n'est pas avoir le melon
Le lien ci-dessous explique parfaitement les choses.
#topchef https://t.co/jRM1P7JZVM pour celles et ceux qui veulent avoir une idée d’une personne HPI avant de piétiner un candidat.
— Myrtille (@Myrtill07135288) February 17, 2022
Je ne dois manifestement pas être la seule à avoir été choquée par les réactions violentes face au candidat "HPI" : on peut être très intelligent sans être HPI, mais un HPI a un mode de fonctionnement particulier, "foisonnant". Si on le maîtrise on réussit et on frise le génie, si on ne le maîtrise pas, on se perd et… comme l'a très justement dit le Eliott, il a perdu son épreuve parce qu'il n'a pas réussi à se concentrer.
Un autre exemple ce ce qu'est un HPI, c'est Audrey Fleurot dans l'excellente – mais moins réaliste – série du même nom.

Et ma cuisine dans tout ça ?
Ça fait longtemps que j'ai abandonné l'idée de "reproduire" des recettes de TopChef, mais j'ai bien aimé quelques idées ce soir.
- le silure, infaisable au Maroc (va trouver un silure dans les petits ruisseaux qui s'assèchent une partie de l'année), mais le condiment de foies de poissons me tente bien, je vais encore avoir une discussion avec ma poissonnière préférée…
- le mélange pomme-céleri (mais on ne trouve que des très petits céleris ici, de la taille d'un gros poing fermé)
- le mélange pomme-poulet
- le mélange pomme et thon en ceviche
- la glace à l'aïl noir et au miso, parce que j'en ai dans mes placards et que je sais que l'aïl noir est très doux, presque sucré, on n'est pas dans un aïoli bien relevé
- le mélange chou-fleur-vanille-poire
Des accords de goût à bientôt tester.